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Rendements d’antan : les obligations retrouvent leur éclat

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Après deux années de resserrement monétaire, les marchés obligataires entrent dans une nouvelle phase. Rendements élevés, politiques divergentes et retour de la dispersion géographique : les investisseurs redécouvrent l’attrait d’une classe d’actifs longtemps délaissée. 

 

Pour Seema Shah, responsable de la stratégie mondiale chez Principal Asset Management, le cycle qui s’ouvre récompense la sélectivité et la gestion active.
 

Une nouvelle géographie des taux
Les obligations ont retrouvé une vertu oubliée : la rémunération du risque. Après la séquence de hausses de taux la plus rapide depuis quarante ans, les banques centrales commencent à infléchir leur trajectoire. Mais cette détente n’est pas synchronisée. Aux États-Unis, la Réserve fédérale a repris la baisse de ses taux, soucieuse d’éviter un atterrissage brutal du marché de l’emploi. En Europe, la BCE reste prudente, freinée par des tensions inflationnistes persistantes. Quant aux marchés émergents, ils ont amorcé plus tôt leur cycle d’assouplissement, attirant à nouveau les capitaux internationaux.
 

Résultat : une divergence monétaire mondiale sans précédent. Cette hétérogénéité crée des opportunités, mais aussi des écueils. Les rendements des obligations souveraines s’établissent à des niveaux historiquement élevés, tout en dessinant des courbes de taux radicalement différentes selon les zones. “Nous entrons dans une phase où la sélection géographique et sectorielle devient essentielle”, souligne Seema Shah.
 

Les investisseurs long terme se repositionnent progressivement sur le segment du investment grade, soutenu par des bilans d’entreprises solides et un contexte d’émissions plus discipliné. Dans le haut rendement, la vague de refinancements opérée depuis 2023 a permis d’améliorer la qualité moyenne du crédit, même si les spreads étroits imposent une gestion tactique.
En revanche, la dette émergente, notamment en devises locales, séduit par des rendements réels attractifs et des politiques monétaires désormais crédibles. Les flux vers ces marchés, longtemps pénalisés, connaissent un retour en grâce.
 

La revanche de la gestion active
Le grand retour des obligations ne signe pas celui du pilotage passif. L’environnement actuel se caractérise par une dispersion accrue des rendements et une volatilité structurelle liée aux politiques publiques, aux déséquilibres budgétaires et aux transitions énergétiques. Pour en tirer parti, les gérants privilégient la flexibilité et la granularité.
 

“Les fondamentaux restent sains, mais la fragmentation mondiale impose une lecture fine des courbes de rendement”, précise Seema Shah. Les entreprises de qualité bénéficient de bilan robustes, d’une offre contenue et d’une demande soutenue. Le crédit structuré, lui, profite de la recherche de portage, mais appelle une vigilance accrue sur la granularité des sous-jacents.
 

Dans cet environnement, les obligations municipales américaines regagnent aussi en popularité : leur rendement équivalent avant impôt est désormais compétitif face aux emprunts d’État, tandis que leur duration modérée offre un coussin contre les à-coups de marché.
 

De leur côté, les obligations privées tirent profit de la désintermédiation bancaire : entreprises et collectivités recourent davantage aux marchés pour se financer, alimentant un flux soutenu d’opportunités pour les investisseurs institutionnels. Le crédit privé conserve ainsi une prime d’illiquidité qui séduit les portefeuilles diversifiés.
 

Ce nouvel équilibre transforme la perception de la classe obligataire. Loin d’être un simple amortisseur de volatilité, elle redevient une source de rendement structurel. Les gérants actifs peuvent désormais jouer sur plusieurs leviers : différentiel de taux entre régions, positionnement sur les courbes, arbitrages entre duration et qualité de crédit.
 

Le retour de la patience obligataire
Dans un monde où la croissance ralentit et les politiques monétaires se réajustent, l’obligation retrouve sa fonction d’ancrage. Le portage moyen offert par les obligations d’État de qualité, compris entre 4 % et 5 %, redonne un sens au revenu fixe. Pour les investisseurs prudents, cette normalisation des taux marque une opportunité de long terme : celle de reconstruire des portefeuilles équilibrés après une décennie de taux zéro.
 

La précision de l’allocation devient la clé de la performance. Plus que jamais, la gestion obligataire s’apparente à un art de la micro-décision : durée, crédit, devise, région. Un jeu d’équilibriste entre portage et protection. “L’environnement actuel récompensera les gérants actifs. Les rendements sont de retour, mais leur capture dépendra de la capacité à naviguer dans un monde fragmenté”, conclut Seema Shah.
 

L’époque du “tout actions” semble révolue : la patience redevient une stratégie. À l’heure où les marchés actions s’essoufflent, les rendements d’antan reprennent vie, redonnant à la dette son rôle premier : celui d’un pilier de stabilité et de revenu pour les portefeuilles de long terme.
Source : Seema Shah, Principal Asset Management, “Global Fixed Income Strategy Update”, 24 octobre 2025.